← Retour à la liste

La Bible est-elle homophobe ?

Homophobie : le terme est devenu singulièrement courant récemment. La Bible, les chrétiens en sont facilement taxés. Alors la Bible est-elle homophobe ? Ou pour poser la question plus exactement : les textes bibliques incitent-ils au mépris ou à la haine envers les gens qui ont des attirances ou des pratiques homosexuelles ? Voici l'opinion de Elias Hargreaves, l'un des principaux intéressés.





Etant moi-même sujet à des attirances homosexuelles, je n'ai pas pris la question de l'homophobie à la légère quand je me suis rapproché du christianisme, et je continue avec d'autant plus de motivation depuis maintenant 5 ans que je suis chrétien. A mon avis, il faut prendre 3 précautions dans ce débat :


1. Cohérence. Il existe différents points de vue au sein du monde chrétien, et différentes politiques. La question est de savoir si les doctrines qu'on tire des textes sont cohérentes, avec le texte d'une part et entre elles d'autres part, car, contrairement à ce qu'on croit, on ne peut pas tout faire dire à la Bible. Et si certains utilisent la Bible comme prétexte pour justifier leur point de vue, n'utilisons pas leur discours comme prétexte pour condamner la Bible.


2. Prudence. On accuse presque automatiquement d'homophobie ceux qui s'opposent aux réclamations des lobbys LGBT, tout comme on accuse trop facilement d'islamophobie ceux qui critiquent l'Islam. Ce faisant, on suppose que leur avis n'est motivé que par un sentiment, et on réduit alors les opposant à des individus incapables de raisonner. Or dans une société où la personne humaine est vue comme le "sujet pensant" de Descartes, cela revient à les déshumaniser... autrement dit, on ne part pas sur un pied d'égalité.

En fait, dès lors que quelqu'un se présente comme une victime, il semble qu'on n'ait plus que deux choix : aller dans son sens et être un sauveur, ou bien s'opposer à lui et passer pour un bourreau. Ce schéma de communication est malsain, et il faut le rejeter, parce qu'il nous situe d'office sur le terrain des sentiments pour ensuite servir à accuser tout opposant d'avoir une réaction émotionnelle plutôt que raisonnée. On ne peut tout simplement pas gagner.

Alors, pour revenir sur le terrain de la raison, il faut considérer le discours de chaque camp et non leur situation, aussi tragique qu'elle soit. Si la souffrance d'une personne en fait effectivement une victime, cela n'en fait pas forcément notre victime.


3. Définition. Qu'entend-on par "homosexualité" ? Il y a le désir et le rapport sexuel, ou comme on entend aussi, l'attirance et la pratique. Certains font du désir une composante de l'identité, une donnée incontrôlable dont l'individu n'est par conséquent pas responsable, et qui ne peut pas varier. Dès lors, dire que le désir homosexuel est mauvais est assimilé au fait de dire que la personne qui a ces désirs est mauvaise, ce qui d'une part est perçu comme une culpabilisation (donc une oppression) et d'autre part peut entraîner un sentiment de mépris ou de haine.

Pour éviter cette dérive, certains chrétiens proposent de dire que le désir (ou l'attirance) homosexuel n'est pas un péché, mais seulement le rapport homosexuel. Mais cette distinction est artificielle : si l'acte est mauvais, le désir l'est forcément aussi, Jésus le dit lui-même (Mt.5,28). Il faut ajouter d'une part que la culpabilisation n'est mauvaise que si elle est injustifiée et d'autre part que Jésus nous a montré l'exemple en se sacrifiant humblement et par amour pour des gens "mauvais" - c'est l'inverse du mépris ou de la haine.

Arrivé là, deux choses restent à préciser sur le discours biblique :


- D'abord la Bible confirme que les désirs et l'identité sont irrémédiablement liés, et que l'homme ne peut pas changer ses mauvais désirs ni même s'empêcher parFOIs d'y céder (et d'aimer ça). Mais elle affirme aussi qu'il y a plusieurs désirs contraires en l'homme, certains bons et d'autres mauvais, et que les mauvais ont tendance à réprimer les bons. Ainsi une personne peut avoir des désirs hétérosexuels mais ne pas les ressentir, ou pas entièrement, parce qu'ils sont réprimés.

Quand on me demande si j'ai encore une attirance pour les hommes, je réponds oui. Et quand on me demande pourquoi je ne veux pas y céder, je réponds que c'est parce que j'ai d'autres désirs plus grands, et qui sont contraires à cette attirance.


- Ensuite, la Bible promet que dans le cadre d'une relation avec Dieu, nos mauvais désirs peuvent être remplacés par de bons désirs, et qu'ils ne seront pas source de souffrance constante.

Depuis que je suis devenu chrétien, mon désir homosexuel a beaucoup diminué, et j'ai même commencé à ressentir une attirance envers le sexe opposé, au point de tomber amoureux (et, malheureusement, d'en avoir le coeur brisé).


En résumé, la Bible affirme que l'homosexualité est un péché, mais elle incite à une attitude d'amour et d'humilité envers les pécheurs. En fait, ressentir du mépris ou de la haine envers quiconque est également un péché selon la Bible, et donc, loin de justifier l'homophobie, elle la décourage et la condamne.

Pourquoi alors y a-t-il des chrétiens homophobes ? Parce que, comme tout le monde, ce sont des pécheurs : ils ont du mal à lutter contre leur aversion, tout comme les homosexuels ont du mal à lutter contre leur désir. Des deux côtés, certains reconnaissent que ce qu'ils ressentent est mauvais, d'autres n'en sont pas encore là. Dieu seul peut les aider, et il les appelle pour cela à être patients et bons les uns envers les autres, de la même manière que lui l'est envers nous : par l'intermédiaire de Jésus.



Par Elias Hargreaves